Sorti le 7 novembre 2025 chez Columbia Records, LUX s’impose comme le quatrième album studio de Rosalía, mais aussi comme une métamorphose. Après le tumulte pop et charnel de MOTOMAMI (2022), l’artiste catalane s’élève vers un horizon plus spirituel et orchestral. Ici, la lumière — “lux” en latin — n’est pas seulement un motif : elle devient une matière sonore, un état d’âme.
Dès les premières secondes, on comprend que LUX ne cherche ni la facilité ni le format. L’album s’ouvre comme une architecture à quatre mouvements, pensée à la fois comme une œuvre pop et une messe symphonique. Rosalía y chante dans treize langues — catalan, anglais, français, arabe, italien, latin, japonais, entre autres — mêlant souffle mystique et cosmopolitisme sensuel. Cette pluralité n’est pas un effet de style : elle incarne un désir d’universalité, de communication au-delà du genre et du territoire.
Musicalement, l’album convoque la London Symphony Orchestra pour sa dimension symphonique, tandis que Björk apparaît comme une figure tutélaire sur un morceau, surgissant telle un deus ex machina au cœur du récit sonore. Aux côtés d’elle, des signatures familières — Pharrell Williams, El Guincho, ou Guy-Manuel de Homem-Christo — construisent un équilibre subtil entre sacré et modernité. Rosalía y explore ses propres fractures : la foi, la féminité, la solitude, la gloire. Comme l’écrit Pitchfork, “LUX roars through genre, romance, and religion.” – « LUX rugit à travers les genres, l’amour et la religion. »
Les voix de la lumière
Et pourtant, LUX n’est jamais théorique. Sous son orchestration ample, il reste viscéral, humain, parfois même fragile. Les morceaux s’enchaînent comme autant de prières blessées : « Mio Cristo Piange Diamanti », où la voix s’élève dans un italien tremblant ; « La Rumba del Perdón », où la grâce et la culpabilité s’entrelacent ; « Géode », où le silence devient rythme. The Guardian y voit une tension permanente : “You get the sense that somewhere in the mix of stuff about God, Catholicism, beatification and transcendence lurks the more earthy theme of an ex-boyfriend getting it in the neck.” – « On devine que, derrière Dieu, la béatification et la transcendance, se cache encore le thème plus terrestre d’un ex-amour blessé. » Ainsi, Rosalía relie le charnel et le divin, le sacré et le trivial. Sa voix flotte entre ferveur et douceur, entre prière et confession. Le disque se nourrit de cette tension : il ne cherche pas la perfection, mais l’élan.
Pour The New Yorker, LUX marque une rupture nette : “It turns out to be a sharp swerve away from the logic of the pop economy.” – « Il s’avère être un virage radical, loin de la logique de l’économie pop. »
De fait, l’album s’affranchit du format radio pour bâtir un espace d’écoute lente, presque méditatif. The Washington Post parle même d’un « pop exigeant, qui demande de l’attention et du souffle ». Chaque morceau s’étire ou se resserre selon une logique d’élévation : du chœur au silence, du tumulte à la paix.
Enregistré entre Londres, Séville et Reykjavik, LUX garde la trace du voyage. Chaque studio, chaque langue, chaque instrument devient une station de ce chemin lumineux. Et pourtant, rien ici n’est démonstratif. Rosalía avance avec retenue, comme si elle sculptait la lumière dans la matière du son. En somme, LUX n’est pas un manifeste, mais une révélation : un disque à la fois ample et intime, où chaque note semble traversée d’air et de poussière d’or.
Rosalía, artiste totale
Née à Sant Esteve Sesrovires, en Catalogne, en 1992, Rosalía Vila Tobella s’impose d’abord par une réinvention du flamenco, entre tradition et expérimentation (Los Ángeles, El Mal Querer). En 2022, MOTOMAMI fait d’elle une icône mondiale, mêlant reggaeton déstructuré, pop futuriste et introspection féminine. Avec LUX, elle franchit une nouvelle étape : celle d’une artiste totale, qui convoque orchestres, langues et symboles pour bâtir une œuvre sensorielle, spirituelle, et profondément moderne.
Quand les dernières réverbérations de LUX s’effacent, on croit entendre la respiration d’une église invisible. Rosalía y laisse passer la lumière comme on entrouvre une porte : lentement, avec respect, mais sans peur. Elle ne cherche plus à dominer le monde, seulement à l’éclairer — un instant.
Rosalía : LUX (Columbia record – Sony music)







