De retour sur les scènes européennes après sept ans de silence, Radiohead retrouve la ferveur du présent. Entre transe électronique et poésie mélancolique, le groupe d’Oxford réaffirme sa singularité : faire danser le doute, et transformer le chaos en lumière.
Oxford, les origines du trouble
Entre l’ombre et la lumière, Radiohead continue de redessiner le contour du rock moderne. En concert, le groupe d’Oxford transforme la mélancolie en une expérience sensorielle — un rituel collectif où le doute devient beauté. Au début des années 1990, cinq étudiants britanniques fondent un groupe sans imaginer qu’ils bouleverseraient durablement le rock. De Creep à Karma Police, de OK Computer à Kid A, Radiohead a toujours su s’éloigner de la facilité, préférant la complexité des émotions à la répétition des formules. Leur univers se déploie entre le spleen électrique et la dissonance numérique, entre la nostalgie de la guitare et le souffle froid des machines.
Sur scène, cette tension prend corps. À Madrid, lors du premier concert de leur tournée européenne 2025, Thom Yorke avançait comme un funambule, oscillant entre transe et murmure. La lumière blanche tranchait les visages, le public retenait son souffle. Peu de groupes parviennent à provoquer ce silence vibrant, cette sensation d’être ensemble dans une incertitude partagée.
La beauté du désenchantement
Le concert madrilène a marqué un retour saisissant après sept ans d’absence. “Transcendant”, titrait The Independent, saluant un spectacle qui dépasse la nostalgie pour retrouver l’urgence du présent. La scène, installée en cercle, plaçait le groupe au centre d’un dispositif immersif : pas de façade, pas de distance, juste cinq musiciens dialoguant avec un public hypnotisé. La setlist, éclectique et audacieuse, traversait les décennies. Let Down, Bloom, Lucky, Ful Stop, Weird Fishes/Arpeggi, Idioteque, Fake Plastic Trees : autant de fragments d’une mémoire collective, réinterprétés avec une intensité nouvelle. MusicRadar notait que “le groupe ne rejoue pas ses classiques — il les réinvente, comme s’il découvrait encore ce qu’ils signifient”. Chaque morceau devenait un écho du présent, un fil entre les angoisses d’hier et les tremblements d’aujourd’hui.
Jonny Greenwood, penché sur ses synthés, tissait des textures à la limite du bruit et du sacré. Ed O’Brien, plus en retrait, enveloppait les guitares d’échos flottants. Phil Selway, derrière ses fûts, maintenait la tension comme on retient une vague. Et Yorke, silhouette mouvante, dansait sans contrôle apparent, comme possédé par la musique qu’il invente. Le concert semblait parfois se dissoudre dans l’abstraction, puis revenir soudain à la pure émotion.
Un secret bien gardé
Radiohead ne cultive ni la communication massive ni les effets d’annonce. Leur tournée européenne, limitée à cinq villes — Madrid, Bologne, Londres, Copenhague et Berlin —, se déroule presque en retrait, sans interview fleuve ni slogans promotionnels. Le mystère reste leur mode d’expression. Pourtant, l’attente était immense. Sept ans après A Moon Shaped Pool, le groupe revient plus sobre, plus libre aussi. The Guardian parle d’un “retour joyeux et fiévreux”, d’un groupe “débarrassé de sa légende et prêt à respirer à nouveau”. Ce n’est pas un come-back : c’est une continuité naturelle, comme si Radiohead n’avait jamais disparu.
Les spectateurs madrilènes témoignent d’une expérience presque spirituelle. Certains évoquent un “silence religieux”, d’autres un “bain de sons et de lumière”, rappelant la première écoute de Kid A ou In Rainbows. Le groupe, lui, reste impassible. Pas de discours, pas de long remerciement. Thom Yorke se contente d’un “gracias” timide avant de reprendre la guitare. Le reste, la musique le dit. Cette pudeur fait partie du charme de Radiohead : ce refus de tout expliquer, cette volonté de laisser la beauté exister dans le flou. Leur tournée 2025–26 n’est pas une commémoration, mais une réaffirmation du doute, du mouvement, de la fragilité. Dans un monde saturé de certitudes, le groupe rappelle qu’on peut encore trembler ensemble.
Radiohead – Tournée européenne 2025
- Madrid (Movistar Arena) – 4, 5, 7, 8 novembre 2025
- Bologne (Unipol Arena) – 14–18 novembre 2025
- Londres (O2 Arena) – 21–25 novembre 2025
- Copenhague (Royal Arena) – 1–5 décembre 2025
- Berlin (Mercedes-Benz Arena) – 8–12 décembre 2025







