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« OK Computer » : Le cocktail qui goûte à l’Apocalypse douce

OK Computer n’est pas un album. C’est une prophétie en mélodies, un cri étouffé sous les néons d’un monde qui court à sa perte. Sorti en 1997, alors que le XXe siècle s’essoufflait dans un mélange d’optimisme technologique et de paranoïa millénariste, Radiohead y a capturé quelque chose de rare : l’angoisse moderne, cette sensation d’être à la fois spectateur et victime d’un système qui nous dépasse. « Paranoid Android » et ses robots déshumanisés, « Exit Music (For a Film) » et sa fuite désespérée, « No Surprises » et sa résignation mélancolique – chaque morceau est une fenêtre ouverte sur un futur qui, vingt-cinq ans plus tard, ressemble étrangement à notre présent.

OK Computer est un album qui respire la contradiction. D’un côté, il y a la froideur des machines, les rythmes mécaniques, les voix traitées à l’électronique, comme pour rappeler que l’humanité se perd dans ses propres inventions. De l’autre, il y a une chaleur désespérée, une humanité qui transperce malgré tout : la voix tremblante de Thom Yorke, les mélodies qui, même dans leur désespoir, cherchent une issue. C’est cette dualité que nous avons voulue recréer dans « OK Computer », un cocktail aussi glacial et réconfortant que l’album lui-même.

Ici, le gin – froid, précis, presque clinique – évoque l’univers technologique de Radiohead, ces paysages urbains où l’homme n’est plus qu’un pixel. Le Lillet blanc, avec ses notes florales et son amertume, rappelle les mélodies qui, même dans leur tristesse, gardent une étrange beauté. Le jus de pamplemousse rose apporte une touche d’acidité organique, comme ces éclats de vie qui percent l’oppression (« Lucky », « The Tourist »). Enfin, une pincée de sel fumé et une goutte d’absinthe – parce que OK Computer est aussi un album qui trouble les sens, qui laisse un arrière-goût de vertige, comme si, après l’avoir écouté, le monde n’était plus tout à fait le même.

L’album, ou comment mettre en musique la fin d’un monde

L’Angleterre de Tony Blair, l’euphorie des Cool Britannia, les promesses d’un avenir radieux grâce à la technologie. Et puis, il y a OK Computer. Un album qui, dès ses premières notes, dérange. Pas de guitare électrique hurlante, pas de rébellion punk, mais une froideur calculée, une musique qui semble venir d’un futur déjà advenu. « Airbag » ouvre le bal avec des accords qui imitent le bruit d’un accident, « Paranoid Android » dépeint une société où les humains ne sont plus que des marionnettes, « Climbing Up the Walls » plonge dans la paranoïa la plus pure.

Pourtant, au milieu de ce désastre annoncé, il y a des lueurs. « No Surprises », avec son carillon et sa mélodie envoûtante, est une prière pour un monde plus doux. « Lucky » est un souffle d’espoir, « The Tourist » une invitation à ralentir avant que tout ne s’effondre. OK Computer n’est pas qu’un album sur la fin des temps, c’est un album sur ce qui persiste malgré elle : l’amour, la peur, l’espoir têtu.

C’est cette ambivalence que « OK Computer », le cocktail, cherche à capturer. Glacial et réconfortant. Mécanique et organique. Désespéré et plein de grâce. Comme l’album, il se déguste avec un mélange de fascination et de malaise – et une question qui persiste : et si tout s’effondrait demain ?

Pourquoi ces ingrédients ? Une équation en cinq éléments

Le gin est la base, bien sûr. Froid, précis, presque aseptisé, comme les paysages urbains de OK Computer. Un gin sec, aux notes de genièvre et de baies, qui rappelle les machines et les systèmes qui gouvernent nos vies. Mais aussi, paradoxalement, la nature – ces forêts et ces champs que Thom Yorke évoque comme des refuges perdus.

Le Lillet blanc apporte une douceur trouble, comme ces mélodies qui, même dans leur désespoir, gardent une étrange beauté. Ses notes florales et son amertume évoquent « Subterranean Homesick Alien » ou « Let Down » – ces moments où, malgré tout, quelque chose de poétique perce.

Le jus de pamplemousse rose est là pour l’acidité vitale. Parce que même dans OK Computer, il y a des éclats de vie – « Lucky », « The Tourist », ces morceaux où Radiohead semble dire : « Oui, tout va mal, mais regardez, il y a encore de la lumière. » Le pamplemousse, avec son goût à la fois doux et acide, est cette lueur.

L’absinthe, en goutte, est le vertige. Cette sensation que, après avoir écouté l’album, le monde n’est plus tout à fait stable. Une seule goutte, parce qu’il ne faut pas trop en mettre – juste assez pour troubler les sens, comme le fait OK Computer depuis vingt-cinq ans.

Enfin, le sel fumé. Parce que OK Computer est un album qui brûle lentement. Comme un incendie lointain, comme la fin d’un monde qu’on voit venir sans pouvoir l’arrêter. Une pincée, pour rappeler que même les plus belles choses ont un goût de cendres.

La recette, ou comment boire la fin du monde

Dans un shaker empli de glaçons, versez 5 cl de gin (un gin anglais, comme The Botanist, pour son côté à la fois classique et expérimental), 3 cl de Lillet blanc, et 2 cl de jus de pamplemousse rose. Ajoutez une goutte d’absinthe – pas plus, juste assez pour troubler l’équilibre. Secouez longuement, comme on tourne en rond dans ses propres pensées.

Filtrez dans un verre à cocktail préalablement refroidi (parce que OK Computer est un album qui se savoure froid). Saupoudrez d’une pincée de sel fumé, et servez avec, en fond, « Exit Music (For a Film) » ou « Paranoid Android ». Fermez les yeux. Il y a, dans ce verre, toute l’angoisse et toute la beauté de l’album : la machine et l’homme, la fin et le recommencement.

Un cocktail pour les temps de crise

« OK Computer » n’est pas qu’un cocktail. C’est une expérience sensorielle, une façon de goûter à l’apocalypse douce que Radiohead a mise en musique. Comme l’album, il se déguste avec un mélange de fascination et de mélancolie – et cette question, toujours, qui persiste : et si tout s’effondrait demain ? Mais c’est aussi un rappel que, même dans les temps les plus sombres, il y a de la beauté. « We are the lucky ones », chante Thom Yorke. Peut-être est-ce vrai. Peut-être que, même au bord du gouffre, il reste une lueur.

À votre santé – ou plutôt, « Fitter, happier, more productive. »


Radiohead : OK computer (XL recordings)

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