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Portugal. The Man : SHISH, un éclat brut dans la neige


Sorti le 7 novembre 2025, SHISH s’affirme comme le dixième album studio de Portugal. The Man. Après une trajectoire faite de hits pop, de psychédélisme foisonnant et de virages audacieux, le groupe revient ici avec une urgence presque minimale. Dès lors, le son se fait plus à vif, les textures plus élémentaires, la vie plus proche du souffle — comme si l’air froid d’Alaska s’infiltrait dans les amplis pour raviver une mémoire première.

Briser pour renaître

De fait, SHISH marque un véritable retour aux racines du duo fondateur, John Gourley et Zach Carothers. Le disque est publié via leur propre label KNIK Records, en partenariat avec Thirty Tigers, signe d’une indépendance retrouvée. Dès le premier morceau, « Mush », Gourley évoque l’essence du projet : “Survival, connection, and ambition. Rural life with moments of danger and absurdity, like dirt bikes, smokers, gunfire, and video games.” – « Survie, lien et ambition. Une vie rurale traversée de dangers et d’absurdités, entre motos tout-terrain, fumeurs, coups de feu et jeux vidéo. »

Ainsi, l’album renoue avec une approche artisanale et viscérale, enregistrée presque entièrement dans le home-studio que Gourley venait d’achever en Alaska. “Everything was just sounding really good and it sounded good just at the house. We didn’t need to go into a big studio,” confie-t-il. « Tout sonnait bien, simplement à la maison. Nous n’avions pas besoin d’un grand studio. »

Cette intimité assumée teinte tout le disque : les guitares saturées surgissent comme des éclairs, tandis que les instants doux s’évanouissent dans le silence. Les lignes mélodiques, parfois disloquées, traduisent un besoin de dépouillement. Pour Glide Magazine, “Ritchotte and the band leader holed up in Gourley’s newly finished home studio, playing almost every note heard on SHISH by themselves.” – « Ritchotte et Gourley se sont enfermés dans le nouveau studio domestique du chanteur, jouant presque chaque note de l’album eux-mêmes. »

En somme, du chaos à la clarté, SHISH assemble, fracture et reconstruit, sans jamais chercher la perfection : il s’agit moins d’un retour en arrière que d’une renaissance organique, née du froid et de la nécessité.

Les voix de la lumière

Pour autant, SHISH ne se réduit pas à une rugosité lo-fi. Au contraire, une chaleur obstinée y circule. Ainsi, dans « Mush », le refrain répète “We can be family,” – « Nous pouvons être une famille. »
Cette phrase résonne comme une incantation fraternelle, un appel à la communauté face à l’isolement. Dès lors, le disque prend des allures de manifeste intime. Sur “Tanana”, Gourley décrit “a generational sadness, searching for fleeting meaning in a world on edge,” – « une tristesse générationnelle, en quête d’un sens fugace dans un monde à vif. »

Les arrangements — omnichord, cuivres, guitares, voix réverbérées — bâtissent un espace acoustique ample et respirant, où la neige semble se mêler à la tendresse. Pourtant, cette sobriété n’exclut pas la densité : GSG Media souligne que “SHISH is a compact 42-minute album that strips away everything unnecessary and gets straight to the heart of what this band is about.” – « SHISH est un album concis de quarant deux minutes qui élimine tout ce qui est superflu et va droit au cœur de ce qu’est ce groupe. »

Ainsi, la lumière ne jaillit pas ici de la grandeur, mais de la sincérité. Désormais, Portugal. The Man s’affirme comme un collectif à nouveau libre, où la fragilité devient matière première, et la pudeur, un instrument de justesse.

Cathédrale en mouvement

Pourtant, malgré cette apparente simplicité, SHISH se déploie comme une véritable cathédrale en mouvement. Les morceaux s’enchaînent, se chevauchent, se fragmentent. 13th Floor observe : “Many songs feel like three or four smaller songs taped together (tastefully, of course!).” – « Beaucoup de chansons donnent l’impression d’être trois ou quatre petites chansons assemblées — avec goût, bien sûr. »

Le disque devient alors un organisme vivant, façonné par la discontinuité. Portugal. The Man condense ici leur veine psych-rock dans une forme brève et dense. De fait, le duo John Gourley / Kane Ritchotte — également producteur — joue presque tout : batterie, guitare, synthés, voix. L’ingénierie d’enregistrement, assurée par Ritchotte, Kyle Smith, Edgar McRae et Zach Bloomstein, témoigne d’une minutie domestique, tandis que le mixage signé John Congleton et le mastering par Randy Merrill chez Sterling Sound parachèvent le tout.

Cependant, le choix d’enregistrer dans le home-studio de Gourley, à l’écart des grandes métropoles, confère à SHISH une intimité rare. Là où Woodstock ou Chris Black Changed My Life vibraient d’ampleur scénique, SHISH choisit la concentration, la densité. Ainsi, l’album semble vouloir bouger plutôt que s’étendre : du bruissement à l’embrasement, du retrait à la révélation.

Portugal. The man… une groupe qui vient du froid

Originaire de Wasilla, en Alaska, Portugal. The Man naît en 2004 de la complicité entre John Gourley et Zach Carothers, deux amis d’enfance nourris de rock alternatif et de mysticisme nordique. Passé des scènes indépendantes à la reconnaissance mondiale avec le hit « Feel It Still » en 2017, le groupe a exploré tour à tour le psychédélisme, le pop-rock et des architectures sonores baroques. Désormais recentré autour du couple Gourley-Manville, le projet assume une dimension introspective et artisanale. Avec SHISH, Portugal. The Man revisite sa propre légende dans une version domestique, épurée, où l’on retrouve la ferveur primitive des débuts. Dix albums plus tard, le groupe choisit la sobriété, la sincérité, et un retour à la lumière brute.

Bref

Quand le dernier accord s’éteint, on croit entendre le vent glisser sur la tôle d’un van enneigé. Peu à peu, le silence se charge de réverbération, comme si les montagnes elles-mêmes respiraient. SHISH devient alors ce feu fragile et obstiné, une lumière oblique au cœur de la nuit — celle d’un groupe qui, après avoir tout vu, préfère désormais la vérité du froid à l’illusion du faste.


Portugal. The man : SHISH ! (Knik) – Sortie le 7 novembre 2025

Concert : 28 février 2026 à l’Elysée Montmartre (Paris) – Places en vente ici

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