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Matthieu Blazy, la ligne de force de Chanel

Discret, précis et obsédé par la construction du vêtement, Matthieu Blazy ouvre une nouvelle ère chez Chanel. Son premier défilé en 2025 a marqué le début d’une transition attendue : réinterpréter les codes de la maison avec modernité et respect du geste.

“I always start with the body. The rest comes after.” – Matthieu Blazy
(Interview — Business of Fashion)

Lorsque Chanel annonce en décembre 2024 la nomination de Matthieu Blazy à la direction artistique de la mode, une certitude se dessine dans l’industrie : la maison confie son avenir à un créateur pour qui le vêtement prime sur le spectacle. Dans un paysage saturé d’images, Blazy incarne une approche plus rare, presque artisanale. Son premier défilé en octobre 2025, très attendu, confirme ce positionnement. Il ne cherche pas la rupture spectaculaire, mais une réinterprétation sensible des codes Chanel ; un travail d’ajustement, de précision et de mouvement. Plus qu’un “reboot”, c’est une nouvelle respiration qui s’ouvre pour la maison.

Origines, formation, premiers gestes

Né en 1984, Matthieu Blazy grandit entre la Belgique et la France, dans un contexte où la rigueur artistique occupe une place centrale. Son passage par La Cambre, à Bruxelles, l’une des écoles les plus exigeantes d’Europe, constitue un premier tournant : il y développe une compréhension profonde de la coupe, du volume et du vêtement comme architecture. La Cambre forme des designers qui réfléchissent avant de produire, qui considèrent le vêtement comme un espace plutôt qu’un signe. Ce cadre influencera durablement sa méthode.

Ses débuts professionnels s’inscrivent dans une constellation de maisons qui ont façonné la mode contemporaine. Il rejoint Maison Martin Margiela, notamment la ligne Artisanal, où il apprend ce que signifie déconstruire un vêtement pour mieux le reconstruire. Ce travail sur la matière, sur les gestes invisibles, lui donne un rapport intime à l’artisanat. Plus tard, aux côtés de Raf Simons, d’abord dans son studio puis chez Jil Sander et Calvin Klein, Blazy découvre l’importance du rythme, de l’efficacité, d’un langage clair et contemporain.

À Céline, sous Phoebe Philo, il confirme son regard : une silhouette élective, une modernité du quotidien, une attention extrême aux proportions. L’ensemble de ces expériences compose un parcours discret mais décisif. Avant même d’être nommé à la tête d’une maison, Matthieu Blazy est reconnu comme un designer qui pense avant d’exposer, qui observe avant de diriger.

Construction du langage : esthétique, vision, signature

Lorsque Bottega Veneta le nomme directeur artistique en 2021, après avoir été membre clé du studio, Blazy révèle au grand public ce que les professionnels savaient déjà : il possède une écriture rare. Sa première collection, saluée unanimement, repose sur un principe simple : ramener le vêtement au centre. Chez lui, pas de discours redondant ou de storytelling forcé. Le vêtement raconte tout, par sa coupe, son tombé, la manière dont il accompagne le corps dans le mouvement.

Ses pièces signature — le jean en cuir trompe-l’œil, les silhouettes souples, les robes tissées, les manteaux aux volumes étudiés — témoignent d’une maîtrise totale de l’artisanat italien. Blazy aime la matière, les savoir-faire, les gestes qui durent. Sa mode est tactile, concrète, pensée pour être vécue plutôt que photographiée. Dans un moment où la mode s’affranchit parfois du réel, il revendique le pragmatisme comme idéal stylistique.

Son approche se distingue par une compréhension profonde du quotidien : il part de ce que l’on porte vraiment, pour l’élever à un niveau supérieur de sophistication. Il n’oppose jamais fonctionnalité et beauté, et c’est cette logique qui attire l’attention de Chanel. Dans une maison fondée sur la liberté du mouvement et la précision de la couture, un créateur comme Blazy fait sens. Il incarne une modernité qui ne cherche pas l’effet, mais la justesse.

L’ère Chanel : ambition, rupture mesurée, premier défilé

La nomination de Matthieu Blazy chez Chanel en 2025 est un geste stratégique. Après une longue période sous la direction de Virginie Viard, la maison souhaite renouer avec une tension créative plus affirmée : celle qui articule héritage et contemporanéité. Blazy arrive avec une réputation solide, une vision claire et la capacité rare de renouveler sans brusquer.

Son premier défilé, présenté en octobre 2025 au Grand Palais, s’inscrit dans cette logique. Le décor, pensé comme une galaxie ouverte, annonce une exploration plutôt qu’une révolution. Les silhouettes revisitent les codes Chanel sans jamais les bousculer : tweeds assouplis, tailleurs modernisés, jupes à plis animées par la marche, accessoires sculptés, travail expert sur les textures et les tissages. La couleur, utilisée avec précision, soutient un propos de continuité plutôt que de rupture.

Les critiques saluent une collection “maîtrisée”, “lucide”, “structurée”. Numéro évoque « un nouveau chapitre qui ne cherche pas à séduire mais à convaincre ». The Guardian parle d’un défilé “mesuré mais prometteur”, où l’on sent “une direction sûre, ancrée dans l’idée que Chanel doit évoluer sans perdre son centre de gravité”. Ce premier moment Chanel n’est pas un choc, mais un positionnement : Blazy ne vient pas imposer un style, il vient construire une trajectoire.

L’enjeu pour lui n’est pas seulement esthétique. Il s’agit de ramener Chanel à un rapport plus direct au vêtement, à l’usage, au mouvement. Une couture qui respire, un luxe qui se vit, une maison qui retrouve la radicalité tranquille de ses fondations.

Avec Matthieu Blazy, Chanel entre dans une période de transition mesurée, structurée et profondément attentive au vêtement. Son parcours, marqué par l’artisanat, la coupe et la compréhension du corps, fait de lui un créateur idéal pour écrire un nouveau chapitre dans l’histoire de la maison. Son premier défilé, sans effets superflus, établit les bases d’une relation durable entre héritage et innovation. Reste à observer comment cette vision évoluera au fil des saisons, mais une chose est sûre : Blazy avance avec précision, sans emphase, fidèle à ce qu’il a toujours défendu : un vêtement qui parle avant tout par sa construction.


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