Au début des années 2000, Paris et Tokyo servent de décor à un projet qui n’a pas encore de contours. Deux amis observent les silhouettes dans la rue, les gestes du quotidien, la manière dont les vêtements résistent à la vie réelle. De cette attention presque pragmatique naît Maison Kitsuné, une marque qui s’installe dans l’espace entre deux cultures plus qu’elle n’en choisit une.
L’histoire de Maison Kitsuné commence officiellement en 2002, à Paris, mais sa matière première s’est construite bien avant, dans la vie de Gildas Loaëc et Masaya Kuroki. Loaëc, musicien et manager associé de Daft Punk, évolue depuis les années 1990 dans un Paris traversé par de nouvelles scènes électroniques. Sa boutique de vinyles, où se croise une génération d’amateurs de musiques hybrides, devient un lieu d’apprentissage des tendances culturelles. Kuroki, de son côté, arrive du Japon après une formation en architecture qui lui a donné un sens aigu des proportions, de la structure et de la précision. Ce duo se forme d’abord autour d’intérêts communs, la ville, le rythme, la qualité d’exécution, avant de se transformer en projet.
Le tournant survient lors d’un voyage au Japon organisé un peu par hasard. Loaëc invite Kuroki à l’accompagner, et les deux hommes découvrent un univers où les frontières entre mode, musique et lifestyle semblent plus fluides qu’en Europe. Dans les concept stores de Tokyo, ils perçoivent quelque chose qui manque à Paris : une manière d’articuler culture populaire et exigence formelle, une façon de proposer des essentiels du quotidien sans renoncer à une certaine rigueur. De retour en France, ils comprennent qu’ils partagent une intuition. Loaëc dira plus tard : « Notre force était d’être entre la culture française et la culture japonaise, et de refuser de choisir. » Maison Kitsuné naît de ce positionnement intermédiaire, pensé non comme un compromis mais comme un espace fertile.
L’impulsion : un projet qui circule entre les villes
Au début des années 2000, les deux fondateurs vivent dans une période de déplacement constant. Les allers-retours entre Paris et Tokyo deviennent un mode d’observation. Dans les cafés de Shibuya, ils remarquent la précision du détail, le soin apporté aux matières, la cohérence globale d’un vêtement. À Paris, ils saisissent au contraire la force de l’allure, cette manière d’habiter les vêtements davantage que de les porter. L’impulsion du projet naît dans cette comparaison permanente. Ils ne cherchent pas à « mélanger » les cultures mais à comprendre ce que chacune fabrique dans la vie quotidienne, et comment un vêtement peut répondre à ces usages.
La création de Maison Kitsuné, en 2002, ne correspond pas à un moment de rupture spectaculaire. Elle s’inscrit dans une dynamique déjà en cours : un désir d’articuler plusieurs disciplines. La marque se structure d’abord comme un label musical, Kitsuné Musique, révélant une nouvelle génération d’artistes électro et indie. Le vêtement n’est pas encore au centre du travail, mais déjà une idée se précise : un design simple, structuré, capable de traverser les modes. C’est une période de recherches, de discussions, d’essais. L’impulsion créative n’est pas de faire différemment, mais de faire juste.
Le premier geste : une chemise et une méthode
Lorsque la marque passe au prêt-à-porter, en 2005, ce geste n’est pas un changement de direction mais une continuité. Le premier vêtement important est une chemise. Rien d’extravagant, rien qui cherche à signifier une nouveauté. Simplement une chemise pensée pour durer, pour accompagner une journée entière, pour tenir impeccablement sous une veste ou un manteau. Kuroki y injecte sa sensibilité d’architecte : proportions stables, coupe nette, coton dense, boutonnières alignées sans approximation.
Dans une interview, il expliquera : « Nous voulions créer les vêtements que nous ne trouvions pas. Des essentiels fiables. » Cette phrase résume bien l’intention du duo. Maison Kitsuné ne cherche pas le vêtement emblématique qui attirerait l’attention. Elle cherche la pièce qui traverse les heures sans perdre sa forme ni son usage. Cette chemise devient le point de départ d’un langage : sobriété, précision, constance. Elle affirme une manière de travailler. Le vêtement doit rester discret, mais parfaitement exécuté.
L’identité en formation : un renard, des lieux, une attitude
Le choix du nom « Kitsuné », renard en japonais, intervient tôt dans la construction du projet. La figure du renard, capable de se métamorphoser, correspond à l’ambition du duo : une marque qui accepte de se déplacer entre les domaines, qui évolue en fonction de ses contextes, qui ne revendique pas une identité figée. Cette flexibilité se retrouve dans les premières années de Maison Kitsuné, où la musique et la mode avancent côte à côte. Le logo renard, décliné selon les saisons, affirme cette idée d’adaptabilité plus qu’il n’impose une image.
Entre 2005 et 2011, l’identité de la marque se stabilise. Les premiers magasins apparaissent, notamment rue de Richelieu à Paris, dans des espaces qui mêlent mode et culture. Les collections se structurent autour d’un vestiaire franco-japonais très maîtrisé : cardigans en laine compacte, chemises ajustées, pantalons droits, palette de couleurs sobres. Maison Kitsuné ne cherche pas à suivre les tendances rapides du marché. La marque avance avec une cohérence tranquille, privilégiant les matières fiables et les silhouettes modérées. Loaëc résumera un jour cette approche en disant : « Nous sommes une marque de rythme, pas une marque de saison. »
Cette phrase décrit une attitude plus qu’une stratégie. Maison Kitsuné construit son identité dans le temps long. Chaque collection est une variation sur le même idéal : un vêtement simple, solide, précis, qui trouve sa place dans la vie quotidienne plutôt que dans la dramaturgie des défilés.
Comment porter Maison Kitsuné (version originelle)
Porter Maison Kitsuné dans ses premières années revient à entrer dans une forme de stabilité élégante. Les pièces ne cherchent pas l’effet immédiat ; elles fonctionnent dans la répétition des jours. Une chemise bien coupée, un cardigan en laine sèche, un chino droit : autant d’éléments qui composent un uniforme discret, adaptable, pensé pour les trajets urbains, les journées de travail, les soirées sans éclat. Le vestiaire ne s’impose pas : il accompagne. Il convient à celles et ceux qui préfèrent une silhouette claire, régulière, où le vêtement sert d’appui plutôt que de manifeste.
Story Kitsuné :
- Partie 1 : Maison Kitsuné : Le moment où tout commence
- Partie 2 : Maison Kitsuné : La précision comme méthode
- Partie 3 : Maison Kitsuné : Une marque qui s’installe dans la ville
Maison Kitsuné : Site internet – Instagram – Facebook







