À Rennes, début décembre, alors que tout le pays hiberne, une faune étrange émerge : des festivaliers en manteaux trempés, des hipsters bretons invincibles, des musiciens que personne ne connaît mais que tout le monde prétend suivre depuis “leurs tout premiers EP”, et des looks oscillant entre “anti-pluie stratégique” et “la mode m’a abandonné, mais c’est volontaire”. Bienvenue aux Trans Musicales, le seul festival où l’on peut boire un cidre artisanal en découvrant le futur de la musique mondiale… dans un hangar glacial.
Le style Trans : chic doudoune, fashion imperméable, glow de condensation
Les Trans, c’est l’endroit où l’on tente de concilier deux réalités incompatibles : être stylé et survivre à la météo de décembre en Bretagne. Le festivalier typique porte donc une tenue hybride entre runway scandinave et expédition polaire. La doudoune longue, souvent noire, donne un air légèrement fataliste : “J’écoute un groupe kazakh expérimental à 01h, il pleut, tout va bien”. Les hoodies oversize s’empilent sous les manteaux ; les bonnets sont ajustés pour tenir en place même face au vent rennais, ce phénomène météorologique qui peut décourager un Airbus. C’est aussi ici que viennent mourir les pulls marins. Pas grave. De toute façon, le breton aviné se retrouvera systématiquement torse nu en fin de soirée.
On croise aussi des looks plus conceptuels : imperméables translucides façon “galerie d’art sous la pluie”, écharpes immenses qui s’enroulent comme des cocons émotionnels, pantalons larges qui prennent l’eau à une vitesse dramatique. Et bien sûr, les chaussures : toujours pratiques. Ici, on ne voit pas des sneakers blanches immaculées. Non, non. Aux Trans, les chaussures sont, pensées pour l’héroïsme et prêtes à mourir pour la cause culturelle. Boots, docs, semelles épaisses : le pied rennais ne connaît pas la peur. Les Trans, ce n’est pas Rock en Seine : on vient pour durer, pas pour rester propre.
La danse Trans : du métro au Parc Expo, l’odyssée du cool mouillé
Le festival commence en général dans le métro rennais, dont chaque rame se transforme en préchauffage social : des inconnus échangent des recommandations de groupes que personne ne retient, sauf ceux qui prennent des notes pour paraître informés plus tard. À l’arrivée au Parc Expo, on assiste à un spectacle unique : une foule de silhouettes encapuchonnées qui avancent dans le vent comme si elles se rendaient à un rituel secret. On traverse la pluie, la boue, parfois même du givre, avec une détermination héroïque.
À l’intérieur des halls, métamorphose instantanée : tout le monde redevient branché. On enlève la doudoune trempée, on secoue sa frange humide, on se place stratégiquement dans la salle avec l’air de quelqu’un qui connaît le groupe alors que, soyons honnêtes, personne ne le connaît à part les programmateurs du festival. Et encore. C’est d’ailleurs tout le principe des Trans : découvrir l’artiste qui fera parler de lui dans huit mois, ou jamais. Mais durant son concert, vous serez son plus grand fan, évidemment.
Ce qu’on y boit, ce qu’on y mange : la Bretagne version nocturne et légèrement expérimentale
Aux Trans, on boit pour se réchauffer, pour tenir debout et parfois pour rendre un groupe plus intéressant qu’il ne l’est vraiment. Le carburant officiel, c’est le cidre. Parfois sec, parfois fruité, parfois tellement artisanal qu’on hésite à demander s’il a été fabriqué par un druide local. Les bières artisanales bretonnes ? indispensable! Au premier rang : la Kénavo Konquistador (mélange d’avoine locale avec une fermentation inversée). Plus rare, l’exceptionnelle Breizh Nebula, bière acide née d’une idée folle : “capturer l’essence du crachin breton dans une bouteille”. Les brasseurs jurent qu’ils récoltent la brume “à la main, sur les hauteurs de Paimpont”. Personne n’a jamais vérifié.
Côté nourriture, on reste dans l’essentiel : la galette-saucisse, évidemment, reine incontestée du festival. Elle règne, majestueuse, chaude, salvatrice, Elle se consomme debout, sous la bruine, en marchant vite, en se brûlant la langue avec fierté. Et puis il y a les stands plus exotiques, proposant des plats que personne ne reconnaît vraiment mais qui semblent parfaits à 03h du matin, quand vos papilles sont libres, prêtes à tout accepter. Franchement, la nourriture inuit, ça tient au corps. Mais il existe aussi des stands encore plus pointus, proposant des plats fusion de type celto-quelquechose que personne ne reconnaît — des nouilles coréennes revisitées avec du kouign-amann caramélisé, un curry vegan aux algues et au caramel au beurre salé, un “tacos breton” rempli de rillettes de maquereau et de kimchi (ça, cela donne envie, non?), ou encore le désormais mythique “bao bigouden” fourré à la crème de sarrasin et à la saucisse grillée. Des mélanges improbables qu’on n’oserait pas goûter à jeun mais qui deviennent des vérités culinaires absolues après minuit.
Bref !
On termine souvent la soirée en discutant bourré sous un hall glacé avec un Rennais convaincu (et qui a de toute façon toujours raison, c’est la loi rennaise) que le meilleur concert de la soirée était “un groupe islandais proto-électro-chamanique passé à 22h15 dans le Hall 8”, même si vous n’avez jamais réussi à trouver le Hall 8.
Les Trans Musicales, c’est une initiation : un mélange délicieux de pluie, de découvertes improbables, de looks résistants à l’humidité et de discussions passionnées sur des artistes dont vous ne retiendrez jamais le nom. C’est un festival où l’on ne vient pas pour être vu, mais pour prétendre avoir tout compris avant tout le monde. Une expérience humide, intense, profondément vivante. Bref : renaise jusqu’à la moelle. Et Rennes. C’est unique. C’est humide. Et c’est culte.
Descarte A Kant (rock mexicain) : Vendredi 05 décembre 22:35 → 23:30 • PARC EXPO – HALL 4
Festival les Trans Musicales – Rennes – Du 3 au 7 décembre 2025 – La programmation est ici.






