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Gaultier rejoue ses imprimés : le retour des illusions cultes

Jean Paul Gaultier ouvre ses archives et réédite une sélection de ses imprimés cultes. Dots graphiques, corps trompe-l’œil, visages éclatés : un voyage dans l’esthétique la plus indisciplinée de la maison. Une réédition qui rappelle comment un simple motif peut devenir une attitude.

Le grand retour des illusions

Dans l’histoire de Jean Paul Gaultier, l’imprimé n’a jamais été un décor : c’est une déclaration. La nouvelle réédition lancée par la maison ne déroge pas à la règle. Elle rassemble plusieurs dessins emblématiques des années où Gaultier aimait tordre le réel, bousculer les silhouettes et faire du vêtement un terrain de jeu visuel. Ces motifs, jadis repérés sur les podiums des années 90 et 2000, reviennent aujourd’hui dans une série exclusive de pièces contemporaines, comme si la maison avait soudain décidé de ranimer la mémoire en pleine lumière.

Au premier rang, le Body Morphing. Un imprimé devenu culte tant il transformait le textile en illusion anatomique : torses dessinés, ombres sculptées, courbes fantasmées. À l’époque, on ne savait jamais s’il fallait y voir de l’humour, un pied-de-nez au bon goût ou une réflexion sur le corps mis en vitrine. Gaultier, lui, ne tranchait jamais. Il préférait laisser planer le doute, et c’est précisément ce qui a rendu l’imprimé unique.

À ses côtés revient aussi l’imprimé Eyes and Lips, puzzle facetté de regards et de bouches placés là où on ne les attend pas : sur un buste, au creux d’une hanche, parfois sur une épaule. Ce motif, mi-pop mi-surréaliste, donnait l’impression que le vêtement observait celui qui le regardait. Une mise en abyme typiquement Gaultier : mi-provocation, mi-câlin.

Mémoire imprimée, modernité assumée

Les Dots, pois réguliers et hypnotiques, complètent cette trilogie graphique. Minimalistes en apparence, obsessionnels dans leur répétition, ils rappellent la période où Gaultier travaillait l’imprimé comme une pulsation. Déclinés en noir et blanc, en bleu profond ou en brun chaud, ils reviennent aujourd’hui sur des silhouettes modernes : tops mesh, robes longues, pantalons ajustés, maillots seconde peau. Une manière discrète mais efficace de réintroduire un code de la maison dans le quotidien.

La marque présente cette réédition comme une dernière salve : « imprimés iconiques… présentés pour la dernière fois ». Une promesse d’exclusivité, mais aussi la conscience que ces motifs appartiennent à un moment précis de l’histoire de la mode. Ils ont traversé les époques, les tendances, les critiques, les lectures contradictoires. Et les voilà de retour, non pas pour flatter la nostalgie, mais pour rappeler que l’audace graphique ne s’archive jamais vraiment.

Ce retour fonctionne comme un palindrome esthétique : un écho des années Gaultier flamboyantes qui résonne aujourd’hui dans un monde saturé d’images. Et paradoxalement, ces imprimés n’ont jamais semblé aussi contemporains. Peut-être parce qu’ils n’ont jamais cherché à l’être : ils voulaient simplement exister, regarder, surprendre — parfois même déranger. Autrement dit, vivre.

Et c’est sans doute pour cela que cette réédition touche juste : elle prouve qu’un motif peut survivre à tout, même au temps.


Jean Paul Gaultier : Réédition des imprimés iconiques, disponible ici

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