Dans les sous-sols du musée du Quai Branly, la Fashion Week a vibré au rythme d’un défilé qui a divisé, fasciné, et surtout marqué les esprits. Duran Lantink, le jeune créateur néerlandais, a présenté sa première collection Printemps-Été 2026 pour Jean Paul Gaultier. Un moment historique : après des années de collaborations éphémères avec des invités triés sur le volet, la maison entre dans une nouvelle ère, avec un directeur artistique permanent chargé de perpétuer — ou de réinventer — l’héritage du « bad boy » de la mode française.
Un héritage lourd à porter
Jean Paul Gaultier, c’est l’histoire d’un enfant terrible qui a bousculé les codes : marinières, corsets pour hommes, jupes pour tous, et une obsession pour le corps, le genre, et la provocation assumée. Depuis les années 80, il a fait de la mode un manifeste, un terrain de jeu où le « mauvais goût » devient art, où la rue dialogue avec le luxe. Quand il quitte la scène en 2020, après 50 ans de carrière, il laisse une question en suspens : qui osera reprendre le flambeau ?
Duran Lantink, 35 ans, est un choix audacieux. Connu pour son approche anti-consumériste et son goût pour le détournement, il incarne une génération qui voit la mode comme un acte politique autant qu’esthétique. Pour son premier défilé, il a choisi de rendre hommage à la ligne « Junior », lancée par Gaultier à la fin des années 80 — une collection jeune, rebelle, pensée pour une jeunesse urbaine et décomplexée. Sauf qu’en 2025, la jeunesse n’a plus les mêmes codes, ni les mêmes tabous.
Le défilé : entre hommage et provocation
Dès les premiers looks, le ton est donné. Les marinières, emblèmes de Gaultier, sont explosées, déchirées, réassemblées en patchworks improbables. Les corsets, autre signature de la maison, deviennent des pièces hybrides, parfois imprimées de poils ou de motifs trompe-l’œil évoquant une pilosité masculine. Un manteau blanc surdimensionné, aux volumes sculpturaux, rappelle les « cocons » des années 90, tandis que des catsuits imprimés de torses masculins bousculent les notions de genre et de nudité.
Les réactions ne se font pas attendre. Pour certains, c’est un coup de génie : « Lantink a capté l’esprit subversif de Gaultier, mais avec les outils de son époque », salue Sophie Fontanel. Pour d’autres, c’est une trahison : « Jamais je n’aurais pensé détester une collection Jean Paul Gaultier », tance un critique qui, on ne sait jamais, préfère garder l’anonymat. Le débat fait rage, mais une chose est sûre : le défilé a réussi son pari — faire parler, choquer, interrogerJean Paul Gaultier lui-même, présent dans la salle, applaudit, sourire aux lèvres. Comme s’il reconnaissait, dans cette folie contrôlée, un peu de sa propre audace.
Pourquoi ce défilé compte
Parce qu’il pose une question cruciale : comment faire vivre un héritage sans tomber dans la nostalgie ? Duran Lantink a choisi la confrontation. Il ne copie pas, il dialogue. Il ne respecte pas, il réinterprète. Ses silhouettes, entre tension et liberté, rappellent que la mode est un miroir de son temps — et que 2025 n’a rien à voir avec 1988.
Ce défilé, c’est aussi la preuve que Gaultier reste une icône intouchable. Même en son absence, son esprit plane sur les poduims. Et si Lantink divise, c’est peut-être parce qu’il a compris une chose : le vrai hommage à Gaultier, ce n’est pas de le singer, mais de continuer à déranger. Mais laissons le mote de la fin à Sophie Fontanel : « La mode qui n’échoue pas à nous décoiffer n’est pas de la mode. »






Jean Paul Gaultier : Collection Printemps / été 2026 par Duran Lantink







