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Brigitte Calls Me Baby refuse la facilité du revival

Entre le croon du passé et la tension du présent, le groupe de Chicago réinvente la mélancolie avec élégance.

Brigitte Calls Me Baby, c’est l’histoire d’une voix qui trouble et d’un groupe qui refuse la facilité du revival. Depuis deux ans, ce quintette originaire de Chicago s’impose comme l’un des plus beaux paradoxes de la scène américaine : profondément ancré dans les années 80, mais entièrement tourné vers demain. Leur premier album, The Future Is Our Way Out, sorti en août 2024 chez ATO Records, en est la preuve éclatante : un disque d’une clarté mélancolique, suspendu entre la pop romantique, le post-punk et la new-wave.

Wes Leavins a grandi dans le sud-est du Texas, au milieu des vinyles d’Orbison, d’Elvis et de Sinatra. Très tôt, il comprend que la voix peut être un refuge, un instrument de vérité. Adolescent, il découvre The Smiths : choc esthétique, révélation morale. Chez Morrissey, il trouve une façon d’être triste sans désespoir, élégante et crue à la fois. Peu après, il quitte le Texas pour Chicago — une ville d’acier et de vent qui deviendra son décor intérieur. Là, il rencontre Jack Fluegel, David Rosendahl, Devin Wessels et Jeremy Benshish. Ensemble, ils fondent Brigitte Calls Me Baby en 2022.

Le nom du groupe vient d’une correspondance fantasmée avec Brigitte Bardot : un hommage ironique à l’imaginaire français, à la beauté comme anachronisme. Dès leurs débuts, la formation trouve son équilibre : romantique, nerveuse, subtilement démodée. Rapidement, ils assurent les premières parties d’Inhaler et de Muse, passent par le festival SXSW en 2023, signent chez ATO Records, puis enregistrent à Nashville avec le producteur Dave Cobb (This House Is Made of Corners, 2023). Dès lors, tout s’accélère : leur nom dépasse les frontières de l’Illinois et attire une attention grandissante sur la scène alternative américaine.

La beauté du désenchantement

Pourtant, Brigitte Calls Me Baby refuse la nostalgie muséale. Le passé est leur matière, pas leur prison. Les guitares, claires et lumineuses, rappellent Johnny Marr, tandis que la rythmique, sèche et précise, porte une urgence résolument contemporaine. Et au-dessus de tout plane cette voix : grave, vibrante, fragile. Wes Leavins chante comme on parle à quelqu’un qu’on a perdu, avec une intensité contenue qui laisse place au silence entre les mots.

Son écriture, marquée par la peur du temps et de la mort, donne à chaque morceau une tension intime. « My intense fear of death is in everything I write », confiait-il à ATO Records. Ce n’est pas une posture, mais un moteur. Ainsi, sa musique parle du manque, de la peur de disparaître, de la beauté de ce qui s’efface. À travers elle, il explore la fragilité de nos émotions avec une lucidité rare. Le groupe ne cherche pas l’éclat : il cherche la justesse.

De fait, leurs influences sont clairement revendiquées : Roy Orbison pour la voix, Morrissey pour la distance, New Order pour la rigueur. Mais Brigitte Calls Me Baby ne rejoue pas le passé, il l’habite. Leurs chansons sont des conversations entre les époques : la chaleur analogique rencontre la précision numérique. Le résultat est à la fois familier et neuf, comme une photo restaurée qui garde ses cicatrices.

Chicago agit ici comme un personnage à part entière — une ville-météo, une ville-poumon. Sa rudesse nourrit leur musique, sa lumière froide la sculpte. Dans chaque morceau, on entend un peu de ce paysage : un horizon industriel où perce la poésie, un souffle glacé traversé de néons.

Un secret bien gardé

Aujourd’hui, Brigitte Calls Me Baby reste encore un secret d’initiés en France. Pourtant, pour qui aime The Smiths, The Strokes ou la new-wave mélodique, la rencontre est immédiate. Leur musique touche par sa sincérité, son classicisme sans cynisme. À une époque où le vintage devient posture, eux choisissent la vérité. Leur romantisme est moderne, leur mélancolie active.

Et quand Wes Leavins ferme les yeux sur scène, micro serré contre lui, on comprend : il ne chante pas le passé, il lui parle. Il s’adresse à la mémoire comme à un amour perdu — avec respect, avec intensité. En mars prochain, le groupe foulera pour la première fois la scène du Trabendo, à Paris. Ce concert, prévu le 31 mars 2026, s’annonce comme une révélation pour un public français encore peu familier de leur univers. Une nuit où la nostalgie retrouvera enfin sa lumière.

Et pour conclure, citons Wes Leavins : « I’ve always been drawn to the sadness behind beauty. It’s what makes it human. » — interview pour Newcity Music, février 2024… Cela donne envie, non ?


Brigitte Calls Me Baby – Album The Future Is Our Way Out (ATO Records – Pias)

Site web / Instagram : brigittecallsmebaby.com / @brigittecallsmebaby

En concert le 31 mars 2025 au Trabendo, Paris. Places en vente ici !

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