Accueil / Pure Lifestyle of Chaos / Rock’drôle au Bon Marché : le rock, dernier accessoire de luxe (et vice versa)

Rock’drôle au Bon Marché : le rock, dernier accessoire de luxe (et vice versa)

Il fallait y penser : prendre le rock, ce genre musical né dans la crasse des garages et la sueur des concerts clandestins, et le fourrer dans les murs aseptisés du Bon Marché, ce temple du luxe où le prix d’un foulard dépasse souvent le SMIC. “Rock’drôle”, l’exposition signée Antoine de Caunes (et son alter ego kitsch, Didier Lembrouille), relève le défi avec une audace qui frise l’inconséquence – ou le génie marketing. Du 30 août au 19 octobre 2025, le grand magasin parisien se transforme en Disneyland du rock, version so chic.

Au deuxième étage, le “Rock Motel” promet une plongée dans l’univers sulfureux des légendes du rock. Sauf qu’ici, point de moquette tachée de bière ou d’odeur de clope froide : les chambres, signées par des décorateurs qui ont probablement écouté The Dark Side of the Moon en buvant du thé Earl Grey, sont des hommages soignés à Hendrix, Bowie et autres icônes. On imagine déjà les clients en chemise cintrée s’extasier devant une veste en cuir “vintage” (read : neuve, mais traitée pour paraître usée), avant de retourner siffler un espresso à 12€ en bas.

L’ironie ? Elle est partout. Les vitrines, dessinées par Zep (le papa de Titeuf, ce rebelle en herbe qui fait rêver les ados depuis 1992), regorgent de personnages aux cheveux en bataille et aux poses déjantées – comme si le vrai rock n’était qu’une question de coiffure. Et pour enfoncer le clou, le Bon Marché a même osé inviter une friperie, Kiliwatch, à s’installer en plein milieu des rayons. Parce que rien ne dit “révolution” comme un jean troué vendu 250€.

Le rock, nouvelle tendance déco (et inversement)

Au premier étage, l’expo se fait plus “studio d’enregistrement” que “squat de musiciens”. Les photos de concerts, signées Paul Coerten et Eric Canto, sont accrochées dans des cadres high-tech qui coûtent probablement plus cher que la guitare de votre groupe local. Les amplis vintage trônent comme des œuvres d’art, et les visiteurs peuvent s’imaginer en producteur légendaire… à condition de faire abstraction des vendeurs en costume qui rôdent à deux pas, prêts à leur refiler un sac en cuir “inspiré par les tournées des Rolling Stones”. Le summum ? La bande-son, un mélange de tubes intemporels et de pépites obscures, diffusée à un volume suffisamment bas pour ne pas déranger les clientes en train d’essayer des escarpins. Parce que le vrai rock, celui qui fait saigner les tympans, c’est bien joli… mais pas au point de faire fuir la clientèle VIP.

Le Bon Marché, ou comment domestiquer la rébellion

“Rock’drôle” est une exposition qui assume son paradoxe : célébrer l’esprit subversif du rock dans un lieu où tout est calculé, y compris la rébellion. On y trouve des fripes à prix d’or, des posters de concerts encadrés comme des toiles de maître, et des ateliers où l’on apprend à “créer son look rock” – comme si le rock était une tendance Pinterest.

Alors, bien sûr, on pourrait râler. Dire que c’est du rock pour riches, une parodie aseptisée de ce qui fut autrefois un cri de révolte. Mais avouons-le : il y a quelque chose de jouissif à voir le Bon Marché, ce bastion du bon goût, s’emparer d’un genre qui a toujours craché sur les conventions. Et si le rock, finalement, n’était plus qu’un accessoire de plus dans le dressing des Parisiens branchés ? Après tout, comme le disait Johnny : “Ce qui est bien avec le rock, c’est qu’on peut en faire ce qu’on veut.” Même une expo pour bobos. Alors, on y va ? Pour rire, pour frimer, ou pour se rappeler que le vrai rock, lui, ne se visite pas – il se vit (au hasard, ce concert mythique de Nirvana). Mais bon, nous sommes faibles, un selfie devant la guitare de Bowie, ça fait toujours son petit effet.


Rock’drôle – Le Bon Marché Rive Gauche, 24 rue de Sèvres, Paris 7e. – Jusqu’au 19 octobre 2025 – Gratuit

Répondre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *