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BIRRD, la traversée mélodique entre ombre et lumière

Entre la pulsation des clubs et la quiétude des musées, BIRRD compose une électro qui respire. Héritier d’une double culture, il trace une ligne sensible entre machine et émotion, entre danse et introspection. Avec Takeoff, son nouvel album, il s’impose comme l’une des voix les plus singulières de la scène électronique contemporaine.

Il y a chez BIRRD une douceur qui précède le son, un calme avant la tempête rythmique, comme un souvenir d’enfance que la machine n’aurait jamais effacé. Né à Rouen, d’ascendance franco-italienne et américaine, il s’imprègne très tôt des paysages contrastés : les ruelles normandes, la pluie sur la pierre, la lumière pâle des matins d’hiver. D’abord pianiste, puis guitariste, il bascule progressivement vers la production électronique. Ainsi, le clavier devient laboratoire, et la mélodie, matière première.

Pendant le confinement, il trouve un espace silencieux, presque hors du temps. Entre deux saisons suspendues, il compose, cherche, assemble. Peu à peu, ses premiers morceaux apparaissent comme des fragments de mémoire : un battement sourd, une nappe étirée, une respiration. L’univers de BIRRD prend alors forme, quelque part entre l’élan et le retrait, entre la danse et la contemplation. Ce virage discret, mais décisif, trace une trajectoire singulière : ni pure techno hédoniste, ni simple pop onirique. C’est un entre-deux vibrant, une musique qui respire, qu’on écoute les yeux fermés ou qu’on danse sans y penser, dans une douce ivresse.

Avec Alba (2022), BIRRD signe son premier lever de soleil. L’EP révèle une écriture élégante, à la fois minimale et organique, où chaque texture semble dosée au millimètre. D’ailleurs, Void Loop devient rapidement emblématique de cette tension maîtrisée : un battement lent, une montée lumineuse, une émotion qui s’installe sans jamais exploser. L’artiste ne cherche pas le spectaculaire, mais la trace — celle qui reste quand tout retombe. Son univers sonore évoque moins la fête que la présence, moins la machine que l’humain. On y perçoit une mélancolie claire, une sérénité inquiète, quelque chose comme un désenchantement apprivoisé.

Peu après, de nouvelles collaborations le rapprochent du monde de l’art. Par exemple, sa performance au Louvre Museum, pensée comme une traversée sonore entre les œuvres, en dit long sur son approche : immersive, contemplative, presque muséale. Pour lui, l’électronique n’est pas une discipline fermée, mais un langage, un moyen d’habiter le silence.

Entre pulsation et contemplation

Aujourd’hui, Takeoff (Yotanka Records, 2025) marque un nouveau chapitre. Les synthés s’ouvrent, la lumière s’invite, et la fête devient mémoire. À travers cet album, BIRRD explore la sensation d’élévation, non comme échappée, mais comme retour vers soi. Chaque morceau y flotte ; chaque voix se devine. Ce n’est pas un décollage vers ailleurs, mais un voyage intérieur, une mise à nu. Sous l’apparente sérénité, on devine pourtant le vertige : la peur de tomber, la nécessité de recommencer, la beauté du fragile.

Chez BIRRD, la techno n’est jamais figée. Elle s’incarne, se transforme, s’humanise. Il enregistre des sons réels — la pluie, le vent, le froissement d’une bicyclette, le passage d’un train — qu’il tisse ensuite dans ses compositions. Ainsi, chaque titre devient un paysage, un lieu de passage entre matière et émotion. On pense parfois à Jon Hopkins, Moderat ou Christian Löffler, mais filtrés par une sensibilité plus méditative, presque française dans son refus du grand geste. De plus, il y a dans sa musique une attention rare au temps, à la respiration, à ce qui ne s’entend pas tout de suite.

Ses concerts prolongent cette impression. Derrière ses machines, il ne cherche pas à dominer la foule, mais à l’accompagner. Il construit des montées lentes, des apaisements soudains, des instants suspendus. Par conséquent, le public ne danse pas vraiment ; il flotte. Comme si chaque fréquence rappelait que le mouvement peut être aussi intérieur.

Un secret bien gardé

Sous la discrétion du personnage se cache une exigence rare. BIRRD travaille seul, longtemps, dans une approche presque artisanale du son. Chaque détail compte, chaque silence est pesé. Il se décrit comme “un éternel apprenti”, curieux de tout, cherchant toujours à apprendre, à comprendre, à transmettre. Cette humilité, à contre-courant des logiques d’image et de performance, lui permet de rester sincère. Sa musique échappe aux tendances : elle s’adresse au corps autant qu’à l’esprit, cherchant moins à séduire qu’à toucher. Dans une scène électronique parfois saturée d’effets, BIRRD préfère la nuance, la lenteur et la profondeur. Finalement, il fait de la fragilité un style, du silence un espace, et de la mélancolie un souffle d’air pur.


BIRRD : Takeoff (Yotanka Records), sortie le 10 octobre 2025

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