Trente ans après sa naissance, A Girl Like You n’a rien perdu de son trouble. En reprenant le classique d’Edwyn Collins, Animal Triste évite soigneusement l’hommage sage. Le groupe préfère la tension au vernis, et confie le rôle principal à Marina Hands, présence magnétique d’un clip qui flirte autant avec le film noir que la rêverie mélancolique.
D’abord, le cadre. Animal Triste dévoile un nouveau clip pour A Girl Like You, morceau emblématique des années 90 revisité sans nostalgie apparente. La chanson, déjà chargée d’ambiguïtés et de désir latent, se pare ici d’une élégance sombre. La voix de Marina Hands, grave et habitée, glisse sur la mélodie avec une intensité contenue, quelque part entre l’urgence rock et une forme de fatalisme feutré.
Mais cette rencontre ne surgit pas par hasard. Elle s’inscrit dans une continuité artistique entamée sur les planches, lors de la création du spectacle Le Silence de Lorraine de Sagazan, présenté à la Comédie-Française. À cette occasion, un important travail visuel est mené, donnant naissance à des images puissantes, dont une grande partie restera hors champ. Plutôt que de repartir de zéro, le clip choisit de redonner vie à cette matière dormante.
Le film se construit ainsi par fragments, assemblés comme les pièces d’un souvenir incomplet. Marina Hands y incarne une figure féminine insaisissable, presque mythologique, avançant dans des paysages ouverts et silencieux. La campagne normande, les étendues d’eau, les horizons embrumés ne servent jamais de simples décors : ils deviennent le prolongement d’un état intérieur. Chaque lieu semble traduire une émotion, chaque plan suggère une tension entre présence et disparition.
À mesure que les images défilent, le récit s’efface au profit d’une trajectoire sensible. Le clip ne raconte pas, il suggère. Un cheval apparaît, compagnon muet et symbole archaïque, renforçant cette impression de temps suspendu. Rien n’est daté, rien n’est ancré dans le contemporain. Tout semble flotter dans un entre-deux, à la frontière du rêve et de la mémoire. C’est là que la reprise trouve sa justesse. Animal Triste ne cherche pas à moderniser A Girl Like You à coups d’effets ou de clins d’œil appuyés. Le groupe préfère en révéler la part sombre et intemporelle, celle qui parle de désir, de danger et d’attirance inexpliquée. La chanson devient un espace de projection, un terrain émotionnel plus qu’un objet patrimonial.
En somme, ce clip rappelle qu’un tube ne survit pas parce qu’on le répète, mais parce qu’on ose le déplacer. Et parfois, il suffit d’un regard, d’un paysage vide et d’une voix habitée pour le faire basculer ailleurs.
Edwyn Collins, un tube au long cours
Auteur-compositeur écossais, Edwyn Collins connaît un succès mondial en 1994 avec A Girl Like You, extrait de son album Gorgeous George. Porté par une ligne de basse immédiatement reconnaissable et une nonchalance venimeuse, le morceau s’impose comme l’un des titres les plus marquants de la décennie. Trente ans plus tard, il continue de fasciner — preuve qu’un vrai classique n’appartient jamais tout à fait à son époque.
Animal Triste : Jéricho (le Magnifique) – Sorti le 7 mars 2025







