Paris, 5 octobre 2025. Alors que la Fashion Week bat son plein, Alexander McQueen a une nouvelle fois prouvé qu’il ne fait jamais les choses à moitié. Sous les projecteurs de la capitale, la maison a transformé son défilé Printemps/Été 2026 en un rituel païen, où la chair, le cuir et la soie se sont livrés à une danse aussi sensuelle que subversive.
D’un côté, Seán McGirr, le directeur artistique, a puisé son inspiration dans The Wicker Man, film culte des années 1970, pour orchestrer une collection qui célèbre l’instinct, la nature et la liberté corporelle. D’autre part, le décor, un mât de mai monumental tressé de jute et de feuillage, symbolisait à lui seul la fécondité et la renaissance. Quant à la bande-son, signée A.G. Cook, elle mêlait techno syncopée et bruits telluriques, plongeant le public dans une transe moderne entre terre, feu et désir.
Le retour triomphal du « bumster » et autres provocations
Mais ce qui a immédiatement marqué les esprits, c’est le retour triomphal du mythique « bumster ». Ce pantalon ultra-bas, emblématique des années 1990, a été revisité en laine marine ou zippé jusqu’aux chevilles, incarnant à lui seul l’ADN de la maison : un mélange de rigueur britannique et de provocation pure. Autour de lui, les uniformes militaires se désagrègent, les vestes se tordent, et les corsets s’affranchissent des règles. Par ailleurs, les fentes à la naissance des fesses, les tétons qui pointent sous des tissus transparents, ou encore les strings ficelle portés avec une désinvolture arrogante rappellent que la mode, chez McQueen, est avant tout un acte de résistance. « Il y a une énergie sexuelle dans ce film, et dans la femme McQueen, que je voulais mettre en avant. Le bumster était la première chose qui me venait à l’esprit », confie McGirr. « En effet », ajoute-t-il, « il y a une aisance, une attitude, parce que la silhouette a une certaine dureté et une force – et la femme McQueen veut toujours paraître forte ».
Un chaos british, entre rave et salon bourgeois
Cependant, ce qui rend cette collection si captivante, c’est aussi son chaos british, un savant mélange entre rave et salon bourgeois. D’une part, les matières jouent les contrastes : cuir lustré, soie parachute, jacquards floraux, mailles métalliques. D’autre part, les imprimés audacieux – insectes en copulation, flammes, fleurs dévorées – célèbrent une énergie vitale, presque viscérale. De plus, les robes, souvent fendues jusqu’à l’os, laissent entrevoir une peau qui semble respirer, tandis que les vestes, déstructurées, évoquent des armures abandonnées au milieu d’un champ de bataille. Enfin, les accessoires – bottes à talons en forme de corne, sacs sculpturaux, bijoux talismaniques – achèvent de dessiner une silhouette à la fois fragile et invincible. Ainsi, McGirr a poussé l’héritage de Lee Alexander McQueen dans ses retranchements, transformant la couture en un acte à la fois primitif et sophistiqué.
Pourtant, ce qui fascine le plus dans cette collection, c’est la femme McQueen qu’elle met en scène : une femme qui n’a pas peur de montrer sa vulnérabilité, tout en la protégeant sous des couches de cuir et de broderies. Par exemple, les chemises militaires, cintrées et dotées de poches, laissent affleurer un soupçon de sensualité. De même, les vestes de l’armée britannique, croppées et lacérées, se portent avec des soutiens-gorge en corde noués et des jeans slim. Sans oublier les robes à plumes dorées, les tops-fleurs en trois dimensions, et les doudounes aux tailles en V, qui scellent l’ode au corps selon McGirr. « Nous luttons contre la nature, tempérant l’instinct au nom de l’ordre. Que se passe-t-il quand nous cédons à nos désirs les plus profonds ? » interroge le créateur. « Eh bien », la réponse est sur le podium : une collection qui ose tout, même l’indécence la plus élégante.
Un défilé qui divise, comme il se doit
Néanmoins, un tel défilé ne laisse personne indifférent. En effet, entre les puristes qui y voient une trahison de l’esprit McQueen et les nouveaux adeptes séduits par cette radicalité assumée, le débat fait rage. Cependant, c’est précisément là que réside la force de la maison : dans sa capacité à provoquer, à questionner, à bousculer. Lorsque les mannequins ont arpenté le podium sous les yeux de FKA twigs et d’autres icônes de la culture underground, une chose était claire : McQueen ne fait pas dans la demi-mesure. Ici, la mode n’est pas un simple vêtement – c’est une déclaration de guerre contre la médiocrité. D’ailleurs, si le « bumster » a perdu une partie de son pouvoir de choquer depuis les années 2000, certaines versions, comme celle en dentelle rouge portée par Alex Consani, prouvent qu’il reste un symbole de rébellion.
En définitive, cette collection fascine parce qu’elle incarne une attitude : celle de femmes qui osent être à la fois classiques et rebelles, sages et sensuelles. En somme, McQueen ne vend pas des vêtements. Il vend une philosophie, celle d’un luxe qui se porte avec aisance, qu’on arpente les pavés parisiens ou les landes écossaises. Ainsi, cette collection prouve, une fois de plus, que l’élégance n’a pas de frontières – seulement des horizons à explorer.
Et vous, oseriez-vous porter un « bumster » en pleine journée, ou préférez-vous garder cette audace pour la nuit ? Ou peut-être opteriez-vous pour une veste militaire déstructurée, un clin d’œil à la fois chic et insolent ?
Alexander McQueen : Collection Printemps / Été 2026







