Ed Gein n’était pas un tueur en série prolifique. Juste un homme timide, obsédé par sa mère, et adepte du bricolage macabre. Dans le Wisconsin des années 1950, il a transformé sa ferme en un musée d’horreurs artisanales. Meubles en peau humaine, masques en visages tannés, bol en crâne : l’artisanat local n’avait jamais été aussi personnalisé.
Sa mère, Augusta, était une puritaine fanatique. Elle lui répétait que les femmes étaient des créatures diaboliques. Ed, bon fils, a pris ses conseils à la lettre. Après sa mort en 1953, il a décidé de recréer sa présence. Littéralement. En déterrant des cadavres de femmes ressemblant à sa chère maman. Pour les habiller, les coiffer, et parfois… les porter.
Scène de crime ou art contemporain ?
Quand la police a découvert son atelier en 1957, le choc fut tel qu’on aurait pu croire à une installation d’art contemporain ratée. Sauf que les matériaux étaient bien réels. Gein avoua deux meurtres, mais son palmarès posthume fut surtout celui d’un inspirateur. Hollywood, toujours à l’affût de nouveaux frissons, s’est jeté sur son cas comme des mouches sur un cadavre.
L’héritage cinématographique : quand la réalité dépasse la fiction
- Psychose (1960) : Norman Bates, ce timide gérant de motel, doit beaucoup à Gein. Même complexe maternel. Même goût pour les déguisements.
- Le Silence des agneaux (1991) : Buffalo Bill, couturier de peaux humaines, est un hommage à peine voilé.
- Massacre à la tronçonneuse (1974) : La famille cannibale s’inspire de ses tendances nécrophiles et de son isolement rural.
Gein, lui, finit ses jours dans un hôpital psychiatrique. Trop fragile pour le procès. Il mourut en 1984, laissant derrière lui une question : comment un homme si peu charismatique a-t-il pu devenir une icône de l’horreur Peut-être parce que son histoire est un miroir déformant de nos peurs les plus intimes. La folie, la solitude, et cette question lancinante : et si le monstre était simplement le voisin d’à côté ? Ironie ultime : aujourd’hui, des touristes visitent encore les ruines de sa ferme. Certains y cherchent des frissons. D’autres… des idées déco.
Netflix est sur le coup
En 2025, Netflix s’empare du cas Ed Gein avec Monstre : L’histoire d’Ed Gein, une série qui promet de plonger dans les méandres de son esprit tordu. Le pari ? Mélanger archives, reconstitutions et une touche de psychologie de comptoir pour expliquer l’inexplicable. Parce que, avouons-le, comprendre Gein revient à essayer de résoudre une énigme dont les pièces sont en peau humaine.
La série mise sur une atmosphère oppressante, entre le Wisconsin rural des années 1950 et les couloirs sombres de l’esprit de son protagoniste. On y découvre un Ed Gein interprété avec une inquiétante douceur, un homme brisé par une éducation religieuse toxique et une solitude qui aurait fait fuir un ermite. Les créateurs ont évité le piège du gore facile. Ici, l’horreur est suggérée, presque clinique — comme si le vrai frisson résidait dans la banalité du mal.
Pourquoi cette série ?
Netflix ne se contente pas de raconter une histoire vraie. Il en fait un miroir de nos obsessions modernes : la célébrité macabre, la fascination pour les tueurs “ordinaires”, et cette question qui hante chaque épisode : naît-on monstre, ou le devient-on ? La série joue avec les codes du true crime, mais évite (presque) de tomber dans le voyeurisme. Presque.
Le plus ironique ? Gein, qui n’a tué que deux personnes, est devenu une star posthume. La série le rappelle : son héritage n’est pas tant dans ses crimes que dans ce qu’il a inspiré. Comme si, en transformant des cadavres en objets d’art, il avait involontairement créé le premier blockbuster de l’horreur.
Verdict : Monstre n’est pas une série pour les âmes sensibles. Mais elle est intelligente, bien documentée, et pose des questions qui dépassent le simple récit criminel. À condition de supporter l’idée qu’un homme a pu coudre des lèvres sur un collier… pour passer le temps. Et ça, même Netflix ne peut pas le rendre glamour.
Derrière Monstre : L’histoire d’Ed Gein : une équipe au service d’un mythe macabre
La troisième saison de l’anthologie Monstre est créée par Ian Brennan, scénariste et producteur connu pour son travail sur des séries à la fois audacieuses et controversées, comme Glee et les précédentes saisons de Monstre (Jeffrey Dahmer, les frères Menendez). Brennan, associé à Ryan Murphy en tant que producteur exécutif, signe ici une plongée dans la psyché d’Ed Gein, mêlant reconstitution historique, archives et une réflexion sur la culture du true crime. Leur objectif ? Dépasser le simple récit criminel pour interroger la fabrique des monstres et leur exploitation par Hollywood.
Dans le rôle-titre, Charlie Hunnam (Sons of Anarchy, The Gentlemen) incarne Ed Gein avec une fragilité glaçante. L’acteur, choisi pour son ability à jouer des personnages complexes et ambivalents, offre une interprétation subtile, évitant l’écueil de la caricature pour révéler l’humanité dérangeante du tueur. Hunnam a préparé son rôle en étudiant les enregistrements audio des interrogatoires et les lettres de Gein, cherchant à comprendre l’homme derrière le mythe. Son jeu, salué par la critique, rend le personnage à la fois pathétique et terrifiant, rappelant que les pires cauchemars naissent souvent de la banalité du mal
Monstre : L’histoire d’Ed Gein – Disponible sur Netflix