Dans l’écrin discret du 11 rue François-1er, à deux pas des Champs-Élysées, une conversation silencieuse s’est ouverte entre deux géants de la couture. L’exposition « La collection Dior d’Azzedine Alaïa », présentée jusqu’au 3 mai 2026, dévoile un dialogue rare : celui d’un créateur qui a collectionné un autre créateur, avec la fidélité fervente d’un amoureux des lignes parfaites. Sur réservation seulement, logique tant la grâce exige parfois un contrôle d’affluence. On découvre un pan méconnu de l’univers Alaïa : son œil de collectionneur, son intuition d’archiviste, sa dévotion aux pièces fondatrices de Christian Dior.
Dior vu par Alaïa : un œil amoureux
D’abord, une évidence frappe : Azzedine Alaïa ne collectionnait pas « pour posséder », mais pour comprendre. Ses trésors Dior, patiemment réunis, dessinent une carte intime de l’élégance française. Robes New Look, silhouettes corolle, courbes reconstruites comme des architectures vivantes : on sent, derrière chaque pièce, l’hommage à un geste technique. Alaïa, qui sculptait la femme comme on taille une matière noble, retrouvait chez Dior cette même obsession de la ligne, ce même culte du volume maîtrisé.
Ensuite, le parcours, d’une sobriété presque monacale, joue le contrepoint. Loin des mises en scène tonitruantes, les pièces semblent flotter dans l’espace, éclairées comme des reliques contemporaines. Ici, une robe à taille étranglée murmure l’audace de 1947 ; là, un tailleur impeccablement cintré dialogue avec la rigueur d’Alaïa. On avance comme dans une bibliothèque tactile où les tissus racontent mieux que les mots.
Un miroir subtil entre deux maîtres
Mais l’ironie, douce, bien sûr, se glisse en creux : voir Alaïa, apôtre du noir absolu, célébrer le royaume de Christian Dior, c’est un peu comme surprendre un moine zen collectionnant des vitraux baroques. Et pourtant, tout s’emboîte. Les deux maisons partagent le même souffle : une vision presque architecturale du corps, une volonté de magnifier plutôt que déguiser, un sens du geste juste.
Au fil de la visite, on comprend que cette collection n’est pas seulement un hommage : elle est une mise en abyme de la couture elle-même. Un créateur qui observe un autre créateur, et qui, dans ce miroir, voit briller sa propre quête. Dior révèle Alaïa, Alaïa redonne à Dior une jeunesse d’étude, une fraîcheur d’œil.
L’exposition se referme comme un murmure : quelques silhouettes somptueuses, un silence de velours, une pointe de nostalgie pour ces mains qui ont façonné la mode du siècle. Et l’on repart avec l’impression rare d’avoir assisté non pas à une rétrospective, mais à une conversation entre deux maîtres — l’une des plus élégantes de Paris cette saison.
La collection Dior d’Azzedine Alïaa – Galerie Dior, 11 rue françois 1er 75008 Paris – Sur réservation







